Le Machal



















Machal (Mitnadvei Chutz LaAretz) c’est la force et le courage de 4000 volontaires étrangers juifs ou non juifs à être partis combattre en Israël au moment de la guerre d’indépendance



Parmi eux, 630 Français et francophones. Sans cette aide extérieure, Israël n’aurait certainement pas pu vaincre ses ennemis. Itzhak Rabin leur a d’ailleurs rendus hommage lors de l’inauguration, à Shaar Hagaï, du mémorial dédié aux volontaires tombés en 1948 : « Ils sont venus à nous lorsque nous en avions le plus besoin pendant ces jours durs et incertains de la guerre d’indépendance. Le peuple d’Israël, l’Etat d’Israël, ne l’oublieront pas. Nous nous souviendrons toujours de cette contribution unique que vous avez apportée, vous les volontaires du Machal. Et pour cela, merci beaucoup. »

Le 29 novembre 1947, l’ONU vote le partage de la Palestine en deux Etats : un Etat juif et un Etat palestinien. Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclame la création de l’Etat d’Israël. Pour ce grand homme peu importe le sort des armes : si les Juifs doivent mourir, ce sera avec une patrie. Le lendemain, les Etats arabes déclarent la guerre. Pour l’ensemble des Juifs qui viennent de subir la terrible tragédie qu’est la Shoah, il est indispensable de défendre ce pays qui représente l’espoir et de prendre les armes pour combattre. « Il est vrai que nous venions d’univers différents, mais une même foi nous animait : celle des temps immémoriaux dont nous étions les héritiers, celle de ce peuple juif se soulevant contre l’injustice et les persécutions qu’il n’a cessé de subir au cours des siècles passés », explique l’ancien secrétaire général de Machal France, Maurice Schwartz. C’est d’ailleurs grâce à lui et à son ami, un autre Machalnik, Marcel Blumenzak, que le recueil de témoignages de 67 combattants français et francophones a pu être réédité cette année.

« Chaque Machalnik a servi l’Etat d’Israël comme militaire dans les forces de défense d’Israël durant la guerre d’indépendance et, de ce fait, a contribué à la lutte historique pour la renaissance du peuple juif dans sa patrie », indique le président de Machal France, Maurice Fajerman, dans une lettre introductive du livre. Ce Français, d’origine polonaise, caché pendant l’occupation, s’engage avec son frère ainé, qui malheureusement comme tant d’autres sera tués au combat. « Notre éducation sioniste nous ayant préparés à accomplir cet engagement, nous l’avons fait sans aucun regret. » Maurice Fajerman intègre le corps de police militaire à Jaffa. « Je peux dire que jamais les Arabes n’ont été chassés de Jaffa. Je discutais avec certains commerçants arabes de la ville qui m’ont raconté comment ça s’est passé : le grand Mufti de Jérusalem leur a dit de partir sinon les Juifs les tueraient. Il leur a promis qu’au retour, ils tueraient tous les Juifs et les lanceraient à la mer », se souvient-il. « Je n’ai jamais oublié l’enthousiasme, la ferveur, l’abandon de soi qui nous guidaient lorsque nous avons mis le pied en Israël. Nous avions le sentiment de participer comme volontaires à un évènement historique. » Et c’était le cas.

Un enthousiasme et une volonté infaillibles caractérisent ces volontaires pour qui la participation à la renaissance d’une nation après 2000 ans d’exil est un évènement majeur de leur vie. Âgés de 16 à 30 ans, anciens déportés, résistants, immigrés… tous n’ont qu’un seul objectif : aider Israël à survivre ; Israël qui est la seule solution pour le peuple juif.

Dans les premières pages de l’ouvrage, de nombreuses personnalités politiques israéliennes rendent hommage à ces volontaires qui ont apporté « une aide inestimable à l’Etat d’Israël en danger de mort ». « Ils sont l’incarnation de notre liberté retrouvée. Ils sont Israël », estime Nissim Zvili, ancien ambassadeur d’Israël en France. De son côté, Ariel Sharon évoque la mémoire de « Teddy Eytan qui a commandé avec distinction l’unité appelée le ‘commando français’ ». De son vrai nom Thadée Diffre, ce Français catholique ancien capitaine de l’armée Leclerc, s’est engagé dans l’armée israélienne en 1948. Il devient peu de temps après commandant du ‘commando français’ qui se battra avec succès pour la prise de Beer-Sheva, phase décisive de la victoire d’Israël. Le contrôle de Beer-Sheva « donne à Israël le contrôle du Néguev, lève l’hypothèque qui pesait sur les kibboutzim du sud, assure la voie aux convois vers Tel-Aviv, désorganise le système de l’ennemi et signe l’arrêt de mort du gouvernement fantôme de Gaza », explique Teddy Eytan dans son témoignage.

Dans des conditions totalement dérisoires, sans aucune expérience militaire pour une grande majorité d’entre eux, avec des problèmes de communication (puisque ne maitrisant ni l’hébreu ni l’anglais), ces Machalnikim font preuve d’un courage exemplaire. Marcel Kisielevoska, qui faisait partie de l’unité d’aviation à Sarona en tant que mécanicien, raconte : « Ma mission consistait à refaire le moteur de l'unique Spitfire en état de voler. J’y parviens en moins d’une semaine, en utilisant des pièces prélevées sur d’autres avions endommagés. Puis je suis chargé de réparer avec des moyens de fortune, des draps en particulier, un Piper Cub (un avion léger) qu’on envisage d’utiliser comme bombardier, le premier de l’Etat d’Israël ». C’est avec une grande fierté, qu’ils partagent leurs diverses expériences et nous plongent ainsi dans l’histoire de ce jeune pays en nous communiquant leur émotion et leur satisfaction. Ne pas rester sans rien faire, aider les Juifs à se battre, voilà leur motivation. Cette raison est d’ailleurs suffisante pour Marc Leizorovici, qui se porte à nouveau volontaire le 20 janvier 1991 à l’âge de 63 ans au moment de la guerre du Golfe. Il passera trois semaines dans le Néguev à Mitspé Ramon, dans une base d'officiers.

La guerre d’indépendance, qui s’est achevée en janvier 1949, a fait plus de 6000 morts du côté israélien. Un recueil de soldats tombés pendant les combats est publié à la fin de l’ouvrage. « Nous étions trois amis descendants du bateau. (…) Au pays tant rêvé est mort le survivant, l’autre a laissé sa vie dans un désert aride. (…) Ils gisent dans le sein de ce qui fut leur rêve. Ils sont morts, mes amis, mais ce n’est pas en vain. Et symboliquement nous cheminons sans trêve, Eux morts et moi vivant, toujours main dans la main », écrit un des Machalnikim, Isaac Appel, au retour d’Israël en 1949.

Alors qu’Israël fête aujourd’hui ses 60 ans d’existence, ces témoignages prennent une signification particulière et rappellent qu’Israël n’aurait certainement pas été ce qu’elle est aujourd’hui sans les forces du Machal.

Stéphanie Lebaz



*



Maurice Fajerman, ancien combattant volontaire étranger de la guerre d’Indépendance : ” Cette guerre n’aurait peut-être pas été gagnée sans la contribution de tous les volontaires venus du monde entier.”

Par Mati Ben-Avraham

C’était en 1984. Dans le cadre de mon émission ” les carnets de l’histoire” à Kol Israël, la radio publique, je poursuivais une recherche sur les mouvements clandestins, recherche entamée à la 1ère chaîne de télévision quatre ans plus tôt. Une question me tarabustait : pourquoi ces mouvements – la Haganah, l’Irgoun et le Lehi – s’étaient-ils entre-déchirés au lieu de faire front commun (hormis une courte période) pour pousser les britanniques vers la sortie? Au détour d’un entretien, mon interlocuteur me lança : ” Et le commando français, vous connaissez?”. Le commando français? Première nouvelle! Il griffonna un nom et un numéro de téléphone sur un bout de papier. Quelques jours plus tard, j’étais reçu, à l’état-major, par le général Gad Navon grand rabbin de Tsahal. Il n’était pas seul. A ses côtés, deux hommes, l’un de Beer-sheva, l’autre d’Ashdod. Trois anciens de ce commando français dont je n’avais trouvé trace dans les volumes d’histoire de la guerre d’Indépendance, publiés par le ministère de la Défense. Et du coup, je touchais du doigt un pan de cette guerre, laissé dans l’ombre, celui de la contribution décisive des volontaires étrangers, juifs et non juifs. Près de 4000 hommes et femmes, dont 630 français et francophones, venus de 44 pays, à l’appel de Ben-Gourion, pour empêcher le premier “politicide” de l’histoire. Car c’est bien de cela qu’il s’agissait de la part des pays arabes : rayer de la carte un Etat nouvellement créé par une décision de la communauté internationale (en date du 29 novembre 1947). Aujourd’hui, ceux du MAHAL (Mintnadvé Houtz Laharetz) ont pignon sur rue. Ils sont regroupés dans l’association World Machal, dont le siège est à Tel Aviv. Le 25 avril 1993, le premier ministre et ministre de la Défense, Ytzhak Rabin, leur a rendu un vibrant hommage. Maurice Fagerman () est le président de la branche française du World Machal. En 1948, lui et son frère Bernard, à l’insu de leurs parents, se sont portés volontaires. Bernard sera tué en combat, près de Negba, le 17 octobre 1948. Maurice ne l’appendra que trois jours plus tard.

Mati Ben-Avraham : Partons du commencement de cette aventure…

Maurice Fajerman : L’aventure a commencé, à Paris, fin 1948. Ben-Gourion était convaincu que les arabes allaient s’opposer par la force à la création de l’Etat d’Israël. Il a alors envoyé des messagers (Shlihim, en hébreu) dans le monde entier. Moi, à l’époque, j’étais aux E.I.. Donc, nous avons reçu la visite de l’un de ces envoyés, qui allait dans toutes les organisations juives pour dire : ” Voila, il va y avoir la guerre. On a besoin de gens qui s’engagent. “Avec mon frère, nous sommes allés au 82, avenue de la grande-armée, le siège de l’agence juive. Nous nous sommes inscrits. Nous avons signé un contrat d’engagé volontaire. Il y avait beaucoup de français, d’Afrique du nord en particulier.

MBA : Et quel a été le circuit pour gagner la Palestine d’alors?

Maurice Fajerman : Nous sommes tous passer par le centre de transit Arenc, engagés et nouveaux immigrants. Certains y sont restés quinze jours, d’autres trois semaines ou un mois. Tout dépendait de la rotation des bateaux. Ceux qui sont partis avant la création de l’Etat voyaient leurs bateaux se faire arraisonner par les anglais et se retrouvaient dans le camp d’internement à Chypre. D’aucuns de chez nous ont réussi à s’évader et rejoindre la Haganah. Moi, je suis parti début octobre pour Haïfa. En premier débarquaient les engagés. Nous montions immédiatement dans des autobus pour rejoindre une base, pour nous équiper, passer la visite médicale…De là, nous étions affectés dans les différentes unités. Je dois dire que, en débarquant, à Haïfa, j’ai connu une première et grande émotion. Le policier, les employés, le balayeur, le petit yéménite avec ses papillotes, tous étaient juifs. Je venais de changer de planète.

MBA : Quelle était l’ambiance?

Maurice Fajerman : Oh, l’ambiance était on ne peut plus sioniste. Pas comme aujourd’hui! Nous étions conscients de participer à un moment décisif. Et notre volonté de gagner, face aux arabes, compensait le malheureux armement dont nous disposions. Moi, je devais rejoindre une unité dans le nord. J’ai demandé deux jours de permission pour retrouver mon frère, à Jaffa. Nous nous étions fixés rendez-vous. Ne le voyant pas arrivé, je suis aller voir un cousin, un haut gradé dans la police militaire à Jaffa. Il a effectué des recherches, pour m’annoncer que mon frère était tombé trois jours auparavant. Il était alors très difficile de se rendre dans les cimetières, de se déplacer d’une manière générale. Donc, il a demandé ma mutation à Jaffa, dans la police militaire. L’adaptation ne fut pas facile. La langue a constitué un handicap certain. Nous ne parlions pas l’hébreu et, pour ce qui concerne les volontaires français, peu maniait l’anglais. Donc, nous n’étions pas véritablement au courant de ce qui se passait sur le terrain. Nous suivions l’actualité par brides. Nous étions informés de la situation quand nous allions, de temps en temps, au club des soldats, au Yarkon.

MBA : L’aventure de ces volontaires étrangers a été laissée dans l’ombre des années durant. Pourquoi, à votre sens?

Maurice Fajerman : Je ne sais pas. Lors du cinquantième anniversaire de la création de l’Etat, le sujet a été évoqué. Les gens ne savaient pas du tout. Ils ne savaient rien de l’histoire des engagés volontaires, de leur contribution à l’échec des armées arabes. Ils ignoraient tout des ces quelques 4000 soldats volontaires, dont 5 à 6% de non juifs, qui se sont engagés, comme ça, venant de 44 pays… Les gros contingents venaient d’Angleterre, d’Amérique, de France et d’Afrique du sud. Alors, peu à peu, l’information a circulé. Elle a suscité de plus en plus d’intérêt. Grâce aussi à ces associations d’anciens qui s’étaient formés dans différents pays et qui ont fourni les témoignages. En France, rien de ce genre n’existait. Il y a bien eu quelques tentatives. Elles ont avorté. Nous étions pris par nos activités et n’avions pas le temps de penser à une association d’anciens de la guerre d’Indépendance. En 1998, j’ai pris l’initiative de lancer le Machal ici, à l’occasion du 50ème anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. Par le biais de l’ambassade, j’ai appris qu’il y avait un groupe de français inscrit en Angleterre. J’ai passé des annonces dans les radios juives. Et, pour le 50ème, nous étions 33 à partir pour Israël. Petit à petit, nous sommes arrivés à 50 membres, puis 100, puis 200. Grâce aux médias juifs, journaux, hebdomadaires et, surtout, la radio. Et jusqu’à aujourd’hui, où certains se réveillent pour dire : j’étais Machal. Tout passe par notre bureau à Paris, même s’ils s’adressent de prime abord à l’ambassade. Je m’occupe des formalités à remplir, par exemple, pour les décorations auxquelles nous avons droit, telle la médaille de l’Indépendance.

MBA : Et le commando français?

Maurice Fajerman : Tout a commencé avec le commandant Teddy, Teddy Eytan, de son vrai nom Thadée Diffre(*). Un français catholique, ancien de la 2ème DB de Leclerc, compagnon de la libération. En 1948, il s’est engagé en tant que simple recrue. Mais, rapidement, ses compétences ont été reconnues. Il lui a été demandé alors de diriger une petite unité de francophones, constitué au sein du Palmah. Ce groupe, composé de juifs français et belges, va entré dans la légende en tant que commando français. Il a participé à de durs combats dans le Néguev. En particulier, Il a pris une part décisive dans la prise de Beer-Sheva, une opération qui a fait, sauter le verrou du Néguev, ouvrant la voie vers le golfe d’Akaba. En octobre dernier, nous étions à Beer-Sheva pour l’inauguration d’une plaque commémorative vouée au commando français, au carrefour des rues Herzel et Atzmaout (indépendance). A cette occasion, un ancien du commando, le capitaine Fernand Bybelezer, a remis au maire de la ville le drapeau bleu-blanc qu’il avait hissé en haut du minaret de la mosquée, après la victoire. Il l’avait gardé, chez lui au Canada, à titre symbolique. Le commandant Eytan est mort le 30 décembre 1971, dans un accident de la route. Un petit mémorial lui est consacré, à proximité du mémorial de la brigade du Néguev.

MBA : Et pour le 60ème, que prévoyez-vous?

Maurice Fajerman : Nous sommes en train d’organiser, avec le président européen qui se trouve à Londres, un grand coup, comme on dit familièrement. C’est pour nous la dernière ligne droite. Le plus jeune doit avoir 73/74 ans et les plus vieux 10 ans de plus. De temps en temps, l’un d’entre-nous s’en va, comme ça, rejoindre l’orient éternel comme on dit. Alors, si les détails de notre participation aux cérémonies du soixantième anniversaire ne sont pas définitivement arrêtés, il est certain que notre présence ne passera pas inaperçue.

•A l’initiative de Maurice Fajerman, un livre intitulé ” Témoignages” a été publié l’an dernier. Il est disponible au siège de l’association, 24 rue Jules César, Paris XIIème. Signalons également un documentaire diffusé par Arte ” les volontaires de l’étranger”, réalisé par Didier Martiny, qui relate cette histoire restée méconnue pendant 50 ans. Ce film est disponible en DVD.
◦Le commandant Eytan Teddy (Thadée Diffre) a publié un livre sur sa participation à la guerre d’Indépendance d’Israël. Intitulé ” Néguev”, il est, malheureusement, introuvable aujourd’hui.

Aucun commentaire:





livreor.gif