Par Leonore Jaury pour Guysen International News
Tel Aviv a 100 ans cette année. Le 11 avril 1909 fut fondée la première ville juive du monde. 66 familles originaires de Jaffa se réunirent pour poser symboliquement la première pierre de la cité et se répartir des parcelles de terrains acquises en bord de mer. Le tirage au sort se serait effectué à l'aide de coquillages, raconte la légende… Pour son centième anniversaire, la « Ville blanche » sort le grand jeu en proposant de nombreuses festivités culturelles qui se poursuivront tout au long de l'année : concerts, expositions, festivals, évènements sportifs vont permettre de découvrir cette agglomération que tout oppose à la pieuse Jérusalem.
C’est au début des années 20 que Tel Aviv connu un vrai essor. Suite à plusieurs émeutes arabes anti-juives les habitants de Jaffa s'installèrent massivement dans cette ville nouvelle, où ils se sentaient plus en sécurité. La population passa de 550 habitants à 40 000. C'est aussi à Tel Aviv que David Ben Gourion proclama la création de l'Etat d'Israël, le 14 mai 1948. 100 ans après sa naissance, Tel Aviv est devenue la capitale économique d'Israël, mais aussi la ville la plus dynamique, moderne, vivante et jeune du pays. Un contraste flagrant avec la situation actuelle de la région, toujours sous tension. Aujourd'hui, 380 000 habitants peuplent Tel Aviv, et près de 2 millions si l'on inclut l'agglomération. Un public qui sera heureux des innombrables festivités qui jalonneront ce centenaire. Celui-ci démarrera officiellement le samedi 4 avril sur la place Rabin par une cérémonie d'ouverture. Des dizaines de chanteurs et acteurs israéliens et étrangers se produiront dans un spectacle accompagné par l'orchestre philharmonique d'Israël, dirigé par Zubin Mehta. Un spectacle de sons et lumières à 360° sera ensuite projeté sur la façade de la municipalité ainsi que sur les immeubles qui l'entourent. En mai, c'est le centre de Tel Aviv qui sera à l'honneur. Appelé « Ville blanche » et classé patrimoine mondial par l'Unesco, ce quartier proposera pendant un mois un gigantesque événement théâtral de rue. Des dizaines de troupes de comédiens se produiront tout le long du boulevard Rothschild. Spectacles, et représentations d'art digital et multimédia projetés sur les nombreux immeubles de style Bauhaus animeront cet épisode du centenaire. En juin, le ‘festival bleu’ regroupera plusieurs évènements nautiques entre le port de Tel Aviv et le port historique de Jaffa. Une compétition internationale de planche à voile ainsi qu'un rallye des mers se dérouleront au bord de la Méditerranée.
Les quatorze kilomètres de plages de la ville seront le théâtre de plusieurs concerts et expositions. L'une d'entre elles doit mettre en lumière le stylisme moderne israélien. Le mois de juin sera aussi l'occasion pour Tel Aviv de présenter son patrimoine juif et de revenir sur son importance historique. De nombreuses festivités s'y dérouleront pour la communauté religieuse et traditionaliste, comme une représentation de l'ensemble israélien de chantres et musique juive, mais aussi avec l'inauguration d'un nouveau centre dédié à la culture juive qui accueillera un festival culturel et international sur le patrimoine juif et yiddish. Pendant le mois de juillet, le grand parc Yehoshoua situé au bord du fleuve Yarkon se transformera en un grand centre des Arts. Concerts de musique classique, traditionnelle ou moderne, opéras, spectacles de danse, de sons et de lumières seront au rendez-vous. Pour l'occasion une scène géante sera mise en place et tous les concerts seront gratuits. Les adolescents seront à l'honneur tout le mois d'août. Des concerts de rock, des pistes de danse et des sports extrêmes seront mis à leur disposition. Attention, entrée interdite aux plus de 18 ans ! Pendant quelques jours, un mini woodstock sera exclusivement consacré aux jeunes.
Le mois de septembre sera fleuri, et le mois d'octobre sera vert ! La place Rabin sera transformée en un immense tapis de fleurs du 15 au 17 septembre, afin de symboliser son engagement dans le respect de l'environnement. Egalement au programme, l'exposition « Ville blanche, jours sombres » sera présentée au musée Eretz, qui proposera une rétrospective sur l'histoire tourmentée de la métropole. Un festival écolo doit se dérouler en octobre dans le parc Yarkon. Une « route verte » sera inaugurée, et une grande balade à vélo à travers la ville sera organisée. Le mois de novembre sera plus sérieux, tous les musées organisant des expositions dans les rues et les parcs afin que le public puisse vivre et se balader dans un environnement d'art moderne et classique. Toutes ses festivités se termineront le 17 décembre, avec l'ouverture du nouveau musée d'histoire de Tel Aviv dans l'ancien édifice municipal, place Bialik. Il ne reste plus qu'à souhaiter un bon anniversaire à cette ville, « colline du printemps » en hébreu, symbole de vie et d'espoir.
Tel Aviv 1930
TEL-AVIV, bientôt 100 ans ! Stéphanie Gromann
Tel-Aviv est, à ce jour, la plus grande agglomération juive du monde après New York. Elle s’étend sur 51,76 km2 et compte 380 000 habitants. Toute première cité hébraïque moderne à voir le jour en 1909, Tel-Aviv symbolise l’incarnation du rêve sioniste tel que Théodore Herzl l’avait formulé dans son roman « Nouveau pays ancien » et dont les derniers mots de la postface sonnent comme un espoir et un avertissement : « Le rêve est moins différent de l’action que le pensent certains. Les actes des hommes sont nés du rêve et redeviendront rêves. » Au commencement, il n’y avait rien d’autre que du sable et de l’eau. En 1906, un petit groupe d’habitants juifs fondent la Société des bâtisseurs de maisons, Agoudat Boné Batim, qui prend bientôt le nom d’Achouzat Baït (Le Domaine). Ils se donnent pour mission d’élever, en dehors des murailles de Jaffa, une ville moderne en Terre promise. A l’aide du Keren Kayemet Leisrael (Fonds national juif) et de la banque sioniste Anglo Palestine Bank, Akiva Arieh Weiss et Meir Dizengoff obtiennent de quoi financer leur projet. De l’empire ottoman en déliquescence, ils héritent enfin d’un terrain répondant au doux nom de Kerem Djebali (les vignes de Djebali). Ce sont des dunes de sables, en bordure de mer, parsemées de vignes stériles et pourrissantes.
Officiellement, la grande histoire urbaine débute ainsi, un 11 avril 1909, sur la dune centrale de leur terrain nouvellement acquis, les 60 membres de la Société se réunissent pour tirer au sort les noms des familles et les concessions qui leur sont allouées. Il plane un doute quant à l’historicité de cette loterie dont aucun média ne s’est jamais fait l’écho… Une légende est née et la ville sera baptisée Tel-Aviv (Tell de printemps) en référence au passé historique du peuple juif, à sa renaissance et à une mention d’Ezéchiel dans le Tanah : « J’arrivai à Tell Abib, chez les exilés installés près du fleuve Kebar… » (3,15) Tel-Aviv sera donc cet éternel printemps enraciné dans la profondeur historique d’un petit peuple d’exilés revenu s’installer sur la terre de ses lointains ancêtres.
La vague d’immigration du début du siècle est une aliya volontaire de sionistes cultivés, imprégnés d’idéaux socialistes : ils rêvent d’une ville idéale, exempte d’inégalités sociales et dotée de tous les attributs d’une métropole européenne. Tel-Aviv sera pensée, repensée, imaginée dans les styles les plus débridés, mais sa colonne vertébrale, son cachet, demeure le Style International issu de l’école allemande de Walter Gropius. Sur les 400O édifices « Bauhaus » répertoriés, construits entre 1931 et 1956, un millier est inscrit par l’Unesco qui, en 2003, a déclaré la ville tout entière : patrimoine culturel mondiale de l’humanité. Toutefois, Tel-Aviv n’a pas immédiatement obéi à l’esthétique minimaliste du mouvement. Newé Tsédek « Oasis de justice », première petite bourgade édifiée en dehors des murailles de Jaffa en 1887, précède d’un peu plus de 20 ans l’édification de la ville moderne. Le quartier a le charme rustique d’un village provençal à deux pas des gratte-ciel ! L’architecture reprend le modèle des villes orientales avec ses cours intérieures, ses maisons basses aux couleurs vives, ses toits de tuiles rouges et ses artères pittoresques. Un temps négligée, elle est aujourd’hui à Tel-Aviv ce que Greenwich Village est à New York, le Marais à Paris, en somme, le quartier « bobo » le plus prisé de la ville. L’ancienne demeure de la famille Rokach, l’une des premières du quartier, a été restaurée dans les années 80 par l’artiste Lea Majaro Mintz qui y expose ses œuvres dans le patio. L’intérieur de la maison est dédié à la naissance de la ville par le biais d’objets d’époque, de photographies et de cartes postales. Des demeures d’Achouzat Bait, datant de 1909, il ne reste quasiment plus rien à l’exception de l’incroyable petite maison Mani, construite entre 1910 et 1913. Cette dernière est encastrée dans la tour de la banque Leumi et accueille en son sein musée et archives appartenant à la banque.
L’exposition permanente retrace, du point de vue économique et financier, l’histoire du peuple juif en terre d’Israël dès le début du siècle dernier et en particulier, l’épopée des membres fondateurs « Hachouzat Baït ». Les années 20, qu’on surnomme aussi « années folles », ont de quoi surprendre. Un vent de liberté, de fantaisie et d’anarchie souffle sur la ville qui voit fleurir une multitude d’édifices dans un style éclectique. C’est un mélange de classicisme, avec ses colonnes et ses arcs et de motifs orientaux ou inspirés d’art déco et d’art nouveau. L’effet n’est pas toujours du meilleur goût, parfois même carrément kitsch. Toutefois, le charme n’est jamais absent et beaucoup d’entre ces bâtisses ont été restaurées ou sont en cours de rénovation. Souvent ostentatoires certaines ont reçu, à juste titre, l’appellation de « maison de rêve ». Ainsi en est-il de la somptueuse Pagode (1925). La façade de l’immense demeure donne sur la Place du Prince Albert, au croisement des rues Nahami et Montefiore qui la bordent de chaque côté. Elle reprend le style d’un café new-yorkais japanisant et l’esprit des centres d’amusement américains. Construite sur trois étages agrémentés de colonnades, de corridors ombragés, de frises aux motifs Art déco, de toits en pagode étagés et d’arcades aux formes diverses, la Pagode fait figure d’apparition fantastique et incongrue ! Bien d’autres bâtiments de style éclectique ponctuent, de temps à autres, l’ensemble architectural de la ville blanche, comme celui qui fut le siège de l’ancienne mairie de Tel-Aviv (1925), place Bialik.
Reconverti en petit musée de l’histoire de la ville, il abrite aujourd’hui les bureaux de la municipalité et rouvrira ses portes au public à l’occasion du centenaire en qualité de centre d’information sur la ville et son histoire. Bien sûr, on ne peut omettre de mentionner l’incontournable maison Bialik (1925), au coin de la place et de la rue Bialik dédiées au célèbre poète. Cette maison est parfaitement adaptée au climat méditerranéen ou désertique, avec ses murs clairs, ses pergolas de bois sombre, ses arcades et sa cour aménagée d’un bassin. Elle s’est voulu le symbole d’une architecture hébraïque néo-orientale, ornée de carreaux de céramique à motifs bibliques en provenance de l’école des beaux-arts, Bezalel. Dès les années 20, la Histadrout (syndicat de travailleurs juifs de Palestine, appelée à devenir l’une des institutions les plus puissantes de l’Etat d’Israël) décide d’avoir recours à l’architecte allemand Richard Kauffmann ainsi qu’à l’urbaniste écossais Patrick Geddes afin de planifier la ville. Geddes conçoit un plan d’extension urbaine sur le modèle anglais de la cité-jardin. Pour les architectes, il s’agit de construire des unités d’habitations de deux ou trois étages avec une nette délimitation des espaces publics et privés. L’influence de Le Corbusier, architecte et urbaniste français, principal représentant du Mouvement moderne aux côtés de Walter Gropius, marque profondément la ville qui suit fidèlement les cinq grands principes de l’architecte : construction sur pilotis, toits terrassés, plan libre, fenêtre-bandeau et façade rideaux. Les toits plats, les larges ouvertures de fenêtres et les parois blanches sont partie intégrante du Mouvement qui attache une importance toute nouvelle au fonctionnel.
Dès les années 30 et jusque vers la fin des années 50, le Style international structure Tel-Aviv devenu un terrain d’expérimentation inespéré pour les architectes de l’école Bauhaus ayant fuit l’Allemagne nazie. Tandis que, le 12 mai 1934, Tel-Aviv reçoit le statut officiel de ville, l’espace urbain s’organise et les quartiers redessinés, forment un ensemble harmonieux. Les architectes et urbanistes doivent apporter des solutions rapides et simples à une société en construction et le Style international s’y prête parfaitement. Quant à l’idéologie qui accompagne l’esthétique du « Bauhaus », force est de constater que cette dernière coïncide point par point avec celle que Théodore Herzl avait imaginée pour servir de base à sa ville utopique. Le style international n’est jamais gratuit, tout est y fonctionnel et chargé de sens. Ainsi, le mouvement « Bauhaus » pensait sérieusement être en mesure d’imposer un nouvel ordre social. Les balcons étaient un moyen de mettre les voisins en contact, reliant ainsi les différentes couches de la population entre elles et les toits plats devaient constituer un lieu de rencontre entre les habitants d’un même immeuble. Enfin, ils avaient conçu des appartements de tailles relativement modestes afin de réduire les inégalités sociales. Qu’est-il advenu de ces nobles idéaux ? Les Tel-Aviviens ont presque tous fermé leurs balcons pour agrandir leurs appartements et s’isoler des bruits de la rue, les toits sont des sources de litiges permanents entre les divers utilisateurs jusqu’à ce que l’un d’entre eux finisse par l’acheter pour en faire un usage personnel ou afin de construire un étage supplémentaire… En déduire que l’architecture n’influe en rien sur le comportement des uns et des autres serait, sans aucun doute, abusif. Mais de là à métamorphoser le genre humain… En tout état de cause, le Style international est partout et continue à inspirer fortement les nouvelles constructions qui s’en revendiquent, à l’exception des tours de luxe et des gratte-ciel qui répondent à d’autres critères.
Les Tel-aviviens ont finalement pris conscience de leur patrimoine et n’ont de cesse que de le préserver. La ville n’en finit pas de se refaire une beauté et quand cela est nécessaire, d’avoir recours à la chirurgie reconstructrice ! Parmi les milliers de bâtiments de Style international, examinons deux d’entre eux, reconnus pour la pureté de leurs formes et datant de la grande période « Bauhaus » des années 30. Le premier se nomme « Maison Kruskal ». A l’angle des rues Hess et Idelson, il s’inscrit dans le cadre du plan de développement de la ville par l’architecte Richard Kauffmann qui a conçu l’immeuble en 1931. Dans la cage d’escalier de forme carrée s’encastrent deux volumes de formes cubiques qui donne à l’ensemble l’apparence d’une tour. Les parties saillantes au-dessus des balcons protègent l’immeuble des rayons hauts du soleil estival et laisse pénétrer les rayons bas en hiver tout en soulignant l’horizontalité de l’ensemble. A deux pas, au 23 de la rue Pinsker, la maison Ancre (1935-36) de l’architecte Pinchas Hüttest est dotée des fameuses fenêtres-bandeaux, mais présente surtout une remarquable cage d’escalier en saillie équippée de fenêtres et de vantaux horizontaux dont le design a été rendu possible par l’utilisation de nouvelles matières telles que l’acier. Les balcons ont, hélas, été refermés, supprimant les jeux de lumière et les rapports entre les creux et les vides voulus par l’architecte. La ville tout entière est truffée de ces chefs d’œuvre minimalistes qui dévoilent au promeneur attentif des qualités esthétiques qui ont su résister à la congestion et à l’injure du temps. De cette improbable cité levantine surgie du sable, l’urbaniste biologiste Sir Patrick Geddes a conçu un espace au design aéré qui enchante et régénère. Tel-Aviv, bientôt centenaire, a bel et bien tous les atours d’une cité-jardin. *
Tel Aviv
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